Le Mercredi 17 septembre 2008
Des pertes qui n’ont jamais été comblées et qui se perpétuent
publié par Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)C’est à cette réalité que le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, qui avait déjà sabré dans les sommes consacrées à de nouveaux logements sociaux dans les trois années précédentes, a mis unilatéralement fin dans son budget du 26 avril 1993. Il y annonçait que, dès le premier jour de l’année suivante, il ne financerait plus le logement social par « des engagements de subventions sur 35 ans, qui font supporter la majeure partie du coût de l’aide actuelle au logement par les contribuables futurs ». Il ajoutait que le budget de 2 milliards $ qu’il consacrait annuellement à l’habitation et dont la majeure partie servait uniquement à payer pour les logements sociaux réalisés pour le passé ne serait plus augmenté.
Aucun des gouvernements qui se sont succédé à Ottawa, qu’il soit libéral ou conservateur, n’est revenu sur ces deux décisions. Les Libéraux de Jean Chrétien, puis de Paul Martin, ont tout au plus accepté de financer des initiatives dans le domaine du logement dit abordable au début des années 2000. Au Québec, ces sommes ont surtout servi à financer de nouveaux logements sociaux, mais uniquement en raison de la volonté du gouvernement provincial, poussé en cela par le milieu communautaire en habitation.
Au moment où le Canada est à nouveau plongé en élection, le FRAPRU a jugé essentiel de faire le bilan de ces quinze ans de désengagement fédéral.
Une perte de 52 000 logements sociaux
C’est à tout près de 52 000 que le FRAPRU évalue le nombre de logements sociaux qui n’ont pu être réalisés au Québec depuis 1994 en raison du retrait fédéral. Voyons comment il en arrive à ce résultat stupéfiant.
De 1985 à 1989, avant que ses budgets affectés au logement social ne soient réduits comme peaux de chagrin, le fédéral a financé 26 733 logements au Québec, dont 19 879 en collaboration avec le gouvernement québécois et 6 854 avec ses propres programmes. Il s’agit d’une moyenne de 5347 unités par année.
Si Ottawa avait conservé le même rythme de réalisation de 1994 à aujourd’hui (5347 X 15 années), ce sont 80 205 logements qui auraient pu être subventionnés. En soustrayant les 28 217 appartements financés par tous les programmes que le gouvernement québécois a depuis mis en place pour prendre la relève du fédéral, y compris avec l’argent d’Ottawa pour le logement abordable, on se retrouve avec un manque à gagner de 51 988 logements sociaux.
Si on prend aussi en compte les 8396 logements sociaux perdus entre 1990 et 1993, en raison des sévères compressions budgétaires imposées par le gouvernement Mulroney, la perte totale se chiffre à 60 384 logements sociaux en 19 ans !
La fin des HLM
Le 1er janvier 1994 a aussi marqué la fin du développement des habitations à loyer modique (HLM). Aucun logement de ce type n’a été financé depuis. Même si les offices municipaux d’habitation ont pu bénéficier au cours des dernières années de subventions dans le cadre des programmes québécois AccèsLogis ou Logement abordable Québec, ce n’était pas pour réaliser des HLM, au sens où on l’entend généralement. L’ensemble des logements financés n’était pas nécessairement destiné à des ménages à faible revenu recrutés sur les listes d’attente des offices. De plus, ce ne sont pas tous les ménages locataires qui étaient assurés de ne consacrer que 25 % de leur revenu en loyer.
Le choix de ne financer aucun HLM en quinze ans, alors que les listes d’attente des offices comptent maintenant 42 000 noms, est l’entière responsabilité des gouvernements qui ont exercé le pouvoir à Québec. C’est toutefois le gouvernement fédéral qui a le premier fermé le robinet des subventions. Il ne faudrait pas l’oublier, le jour des élections.