Le Vendredi 9 février 2024
Troisième demande de rencontre concernant les conséquences de l’application de la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises
publié par Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévolesMontréal, le 7 février 2024
Madame la Ministre Kateri Champagne-Jourdain
Ministre de l’Emploi
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
425, rue Jacques-Parizeau 4e étage
Québec (Québec) G1R 4Z1
Téléphone : 418 643-4810
Objet : Troisième demande de rencontre concernant les conséquences de l’application de la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises
Bonjour Madame la Ministre.
Les 7 juin et 11 octobre 2023, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles[1] vous a adressé des demandes de rencontres relativement aux conséquences de l’application de la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises. Ces demandes n’ont pas donné lieu à une rencontre avec vous, mais à divers échanges avec Monsieur Yves Pepin, Registraire des entreprises, de même qu’avec le personnel de votre cabinet.
Nous avons participé de bonne foi à ces échanges, mais les outils à la disposition des personnes rencontrées ne permettent pas d’aborder le fond du problème, ce pour quoi nous réitérons notre besoin de vous rencontrer. Nous estimons que la Loi met en péril la pérennité des organismes sans but lucratif (OSBL), dont les organismes communautaires du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS) font partie, ainsi que l’ensemble du mouvement de l’action communautaire autonome, et une rencontre nous permettrait de vous en exposer les raisons.
Vous savez sans doute que le Registraire a transmis deux lettres (17 et 30 novembre 2023) aux groupes communautaires faisant partie des listes du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Par ces lettres il a annoncé qu’il pourrait accorder des exemptions individuelles et exceptionnelles aux administrateurs et administratrices ne pouvant fournir une pièce d’identité, suite à l’évaluation de leur situation.
Or, ces exemptions sont limitées et individuelles, alors que le problème est collectif, en plus de dépendre des jugements de valeur quant au « caractère exceptionnel » et à la pertinence des raisons invoquées. Qui plus est, les exemptions et les modalités soulèvent plusieurs problèmes qui affecteront le fonctionnement des organismes, notamment à l’égard de la protection des données confidentielles, puisque l’organisme détiendra des renseignements sensibles sur les personnes demandant l’exemption.
Ainsi, accorder des exemptions individuelles sur la base de situations jugées comme étant exceptionnelles n’atténue pas les conséquences de l’ensemble des nouvelles exigences. En effet, la Loi nuit toujours au droit d’association, compromet la survie d’organismes en les empêchant de combler tous les postes de leur CA par des personnes directement concernées par leur mission, notamment parce que des personnes marginalisées, refuseront de transmettre leurs renseignements personnels, que ce soit pour les fournir au Registraire ou pour lui demander une exemption.
Enfin, soulignons que le Registraire a refusé d’annoncer publiquement l’existence de l’exemption, ce qui signifie que la seule preuve de cette éventualité se trouve dans ses lettres de novembre 2023. Sans annonce officielle, il sera difficile d’informer adéquatement les responsables des organismes et les membres des conseils d’administration, actuels et futurs. Il sera encore plus difficile de prévenir les risques d’interprétation et de perte d’information, que ce soit en raison du roulement de personnel du Registraire et chez le personnel politique, mais aussi chez les organismes communautaires.
La nature de l’avenue proposée par le Registraire démontre que les seules options à sa portée sont administratives et que c’est avec vous, Madame la Ministre, qu’il faut discuter du fond du problème. Soulignons que la possibilité d’exemptions individuelles et exceptionnelles n’atténue pas l’importance du problème démocratique découlant des nouvelles règles. Il demeure en effet que la transmission de la date de naissance et d’une carte d’identité constitue une condition à la participation à un conseil d’administration, alors que la seule exigence légale actuellement requise est de ne pas être en faillite, ce qui représente une brèche importante dans l’exercice de la citoyenneté.
Nous réitérons que les nouvelles règles entraînent des problèmes qui sont de nature à entraver le droit d’association et à compromettre l’autonomie des organismes communautaires, en nuisant à la constitution de conseils d’administration formés « par, pour et avec » les personnes directement concernées par la mission d’un organisme, alors qu’il s’agit d’un principe fondamental.
Nous estimons avoir participé de bonne foi aux discussions préliminaires et nous croyons toujours que les conséquences néfastes sur les OSBL, dont les OCASSS, n’ont pas été prises en compte lors de l’adoption de la Loi et nous croyons que des solutions adaptées à leurs réalités peuvent être identifiées si nous y mettons ensemble les énergies nécessaires.
Nous nous tournons donc de nouveau vers vous, afin d’examiner des solutions relevant de vos responsabilités, en vous invitant à contacter Mercédez Roberge (514-690-7826), coordonnatrice de la Table, pour convenir des détails.
En vous remerciant pour l’attention portée à cette demande, veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos sentiments distingués.
Stéphanie Vallée, Présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
C.C.
- Monsieur Lionel Carmant, Ministre responsable des Services sociaux
- Les membres de la Table des regroupements d’organismes communautaires et bénévoles
- Caroline Toupin, coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)
[1] La Table rassemble 44 regroupements nationaux. Ceux-ci abordent la santé et les services sociaux sous différentes perspectives : femmes, jeunes, hébergement, famille, personnes handicapées, communautés ethnoculturelles, sécurité alimentaire, santé mentale, violence, périnatalité, toxicomanie, etc. À travers ses membres, la Table rejoint plus de 3 000 groupes communautaires de base de toutes les régions.