Le Jeudi 14 mars 2019
La politique nationale de lutte à l’itinérance fête ses 5 ans! Restons mobilisé.e.s pour un déploiement juste et équitable partout au Québec!
publié par Réseau solidarité itinérance du QuébecMontréal, 27 février 2019
Lettre ouverte
ANNIVERSAIRE DES 5 ANS DE LA POLITIQUE NATIONALE DE LUTTE À L’ITINÉRANCE : ENSEMBLE, POUR ÉVITER LA RUE ET EN SORTIR
Cela fait 5 ans que la Politique nationale de lutte à l’itinérance a été adoptée. Une date clé qui rappelle la mobilisation tenace du milieu communautaire qui a permis son adoption. Cependant, dans un contexte où plusieurs villes du Québec connaissent des débordements et où certaines régions sont sous-financées et mal-informées, des investissements structurants sont demandés afin de permettre sa pleine réalisation.
L’adoption de la politique nationale en itinérance et son déploiement
En février 2014, la Politique nationale de lutte à l’itinérance : ensemble, pour éviter la rue et en sortir est enfin adoptée ! De la conception de la politique à son adoption, le combat mené par le RSIQ et par ses membres a été guidé par l’urgence de répondre aux besoins criants des personnes itinérantes ou à risque de le devenir. Depuis la formulation de la nécessité d’une politique nationale lors des Premiers États Généraux de l’itinérance (en 2005) jusqu’à son adoption, la longue mobilisation du Réseau Solidarité Itinérance du Québec (RSIQ) et de ses membres pour qu’elle puisse voir le jour a été essentielle.
La Politique marque une grande avancée dans la perception des parcours de l’itinérance : elle reconnaît la diversité des visages de l’itinérance ainsi que la multitude de facteurs qui peuvent pousser une personne vers des processus de désaffiliation sociale. Elle met de l’avant une approche globale et communautaire qui valorise la démarche intersectorielle. Cinq axes d’interventions prioritaires sont mis de l’avant : le droit au logement, un accès facilité aux services de santé et aux services sociaux, le droit à un revenu décent, le droit à l’éducation, l’insertion sociale et l’insertion professionnelle et enfin, la cohabitation sociale et les enjeux liés à la judiciarisation. L’adoption de la politique représente une victoire pour les organismes et groupes impliqués dans la lutte à l’itinérance.
La sortie du premier Portrait de l’itinérance par le MSSS en décembre 2014 marquera la nécessité de renseigner le phénomène au-delà des chiffres. Le deuxième Portrait de l’itinérance, actuellement en cours (2015-2020), inclut un volet sur l’itinérance cachée. La reconnaissance de l’itinérance cachée en même temps que celle de l’itinérance des femmes, des personnes issues de communautés LGBTQ+, des réalités des personnes autochtones et de toutes les personnes marginalisées marque un tournant essentiel dans la vision de l’itinérance et des solutions qui peuvent y être apportées. La rue, figure emblématique de l’itinérance, devient une réalité parmi d’autres qui ne doit pas faire oublier la multiplicité des situations d’itinérance et, plus largement, des processus de désaffiliation sociale.
La question urgente des débordements dans les ressources
Face aux situations de débordement qui touchent différentes villes et régions du Québec, le RSIQ aimerait rappeler au gouvernement les engagements annoncés dans la Politique Nationale de lutte à l’itinérance. Deux orientations mises de l’avant par « les axes d’interventions prioritaires et orientations à privilégier » sont essentiels dans un contexte où trop de personnes se voient refuser l’accès aux refuges et autres structures d’hébergement d’urgence :
Le logement – la Politique promeut de « travailler localement à l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité afin d’agir en amont de l’hébergement d’urgence pour les personnes en situation d’itinérance[1] ».
Cela signifie non seulement investir pour rendre accessible le logement social, mais aussi d’obtenir un meilleur investissement pour que le soutien communautaire soit suffisant afin de permettre que les personnes qui retrouvent un logement ne retournent pas à la rue. Il faut certes réagir à l’urgence et créer des structures d’accueil qui permettent de loger temporairement les personnes en difficulté, mais il est essentiel de mettre en place des solutions pérennes. Dans cette optique, un accès simplifié au Programme de soutien au logement (PSL) par exemple permettrait de reloger plus rapidement les personnes et ainsi de réduire le phénomène de débordement. À titre d’exemple, loger une famille à l’hôtel revient à plus de 3000$/mois, alors qu’une subvention du Programme Soutien au Logement reviendrait à 800$/mois en moyenne).
Le revenu – la Politique conseille de « maintenir le soutien financier d’urgence pour les personnes dont les besoins de base sont menacés [2]».
L’aide sociale est un bien maigre revenu pour subvenir aux besoins quotidiens : payer son loyer, faire son épicerie, payer ses factures, se vêtir, etc. Depuis 10 ans, son montant n’a cessé de diminuer (passant d’une couverture des besoins de base de 60% en 2000 à 49% en 2010 – (IRIS, 2012). L’accès à un logement abordable, accessible et sécuritaire est ainsi compromis face à des situations de grande pauvreté.
Une approche globale comprenant des politiques d’assistance d’urgence ainsi que la possibilité d’arrimer une pluralité de services afin d’agir à différents niveaux et en visant des objectifs à plus long terme serait une première réponse dans le bon sens.
La communication : maillon faible de l’équation ?
Bien que des efforts aient été effectués dans la prise en considération des régions pour la répartition des financements et dans la transmission des informations, des disparités persistent. Il y a un manque de visibilité réelle quant à la façon dont se déploient les différents financements au niveau du Québec. Les dates d’échéance pour renouveler les financements sont ridiculement courts, pénalisant les organismes de lutte à l’itinérance qui connaissent déjà une surcharge de travail. Enfin, la lenteur dans la transmission d’informations essentielles par l’intermédiaire du réseau de la santé ou autres engendre beaucoup de frustration et de mécontentement. Tout cela entrave la volonté d’avoir une action concertée et éclairée sur des enjeux pourtant majeurs.
Le RSIQ souligne donc l’importance de la Politique nationale de lutte à l’itinérance comme un outil essentiel. Une certaine vigilance reste cependant de mise afin qu’elle puisse se déployer de façon équitable partout au Québec, selon l’approche globale et communautaire. Agir en amont et favoriser l’action concertée est essentiel pour ensemble, éviter la rue et en sortir.
Le RSIQ a été créé en 1998 et consiste en un regroupement de quatorze concertations régionales de lutte à l’itinérance et une dizaine de membres associés, totalisant plus de 300 organismes à travers le Québec.
Laury Bacro, coordonnatrice, Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec
Politique nationale de lutte à l’itinérance, version numérique :
https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2013/13-846-03F.pdf
[1] Ensemble, pour éviter la rue et en sortir, Politique nationale de lutte à l’itinérance, Axes d’intervention prioritaires et orientations, axe 1 : le logement , p.36
[2] Ensemble, pour éviter la rue et en sortir, Politique nationale de lutte à l’itinérance, Axes d’intervention prioritaires et orientations, axe 3 : le revenu, p.43