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Communiqué

Publié le 04 novembre 2014

Le contexte budgétaire est préoccupant. Le programme de coupes, dit d’«optimisation», annoncé par le gouvernement Couillard, l’est tout autant. Nul ne peut nier l’évidente nécessité de traiter la question de l’endettement de l’État québécois mais, comme le diable est dans les détails, le malaise est dans les moyens.

Pour l’heure, nos institutions publiques régionales et leur personnel sont la cible de ce programme d’austérité. Dans le discours dominant, on oppose de façon simpliste les employés de l’État à l’image de l’entrepreneur gagnant qui, lui, réussirait grâce à sa détermination, son courage, sa passion, bref un ensemble de qualités personnelles que ne posséderait pas le fonctionnaire blasé et déconnecté de la réalité. Pour le gouvernement libéral, le projet de réduire la fonction publique vise donc à lever les barrières aux efforts des femmes et hommes valeureux que sont les entrepreneurs.

Mais une telle conception du rôle de nos institutions et du travail des entrepreneurs est plus que dépassée. Elle relève d’un imaginaire ancien qui ne saisit pas (ou refuse de le faire!) le système beaucoup plus complexe dans lequel s’inscrivent ces deux figures nécessaires de l’économie de marché.

Certes, l’entreprise privée est un acteur incontournable mais, comme l’ont montré nombre de travaux scientifiques, sa réussite dépend des ressources qu’elle doit trouver dans son milieu : naturelles, humaines, financières, culturelles. L’entreprise ne s’épanouit pas dans le désert. Au 19e siècle, l’économiste Alfred Marshall parlait en termes d’«atmosphère» pour expliquer l’esprit de ces lieux où florissaient les entreprises. Aujourd’hui, les concepts de système productif régional, de milieu innovateur et de région apprenante nous servent à mieux comprendre ces liens d’interdépendance entre l’entreprise et son territoire. Les recherches ont permis de mieux comprendre comment ces relations se structurent autour de rapports complexes liant compétition et collaboration. Elles ont également mis en évidence le rôle majeur que jouent les institutions publiques. Les organisations de recherche et développement, les agences de soutien, les organismes de financement, comme les instances de gouvernance et de surveillance définissant les règles à respecter par les différents joueurs, tous contribuent à créer un environnement régulé et stable, qui nourrit les projets d’entreprises et diminue les incertitudes. En d’autres termes, ils participent à ce contexte favorable à l’investissement…

Plus largement, on parlera donc des «régions qui gagnent» comme étant celles où les différents acteurs, publics et privés, auront réussi à coordonner leurs efforts vers des projets communs, le premier étant le développement pérenne du milieu de vie qu’ils partagent. C’est en ce sens qu’aujourd’hui on insiste sur l’idée que le développement doit être vu comme un processus, un processus exigeant porté par des acteurs variés issus des sphères tant publique que privée, associative ou citoyenne. De leur travail conjoint émergent des rapports d’interconnaissances, de nouvelles connaissances, des arrangements et des conventions. Lorsque ceux-ci font défaut, il y a dysfonctionnement et l’économie en souffre. On n’a qu’à penser à l’insertion contestée des activités d’extraction d’hydrocarbures au Québec, expliquée en partie par le manque de confiance vis à vis des institutions publiques censées réguler l’industrie. Ce sont donc aussi ces facteurs immatériels, et non moins essentiels, que génèrent les institutions dans le temps long.

En ce sens, les directions régionales des ministères, Agences de santé, Conférences régionales des élus (CRÉ), Centres locaux de développement (CLD) et autres instances publiques de planification sont des joueurs de premiers plans pour la réussite du Québec. Abolir les postes dans cette administration publique régionale, quand ce n’est pas l’institution complète, apparaît une visée à courte vue. C’est nier leur rôle dynamique et constructif dans les processus de développement. C’est nier qu’elles sont des acteurs de changement essentiel, porteurs d’expertises, de mémoire et de savoirs, qui permet entre autres d’ajuster des programmes nationaux aux spécificités des territoires d’intervention. Les CRÉ sont entre autres un des rares espaces communs où les différents acteurs peuvent se coordonner et faire en sorte que les actions convergent vers de mêmes visées. On évite ainsi des dédoublements, des contradictions, bref, des pertes d’énergie et de ressources. En somme, abolir nos institutions publiques régionales, c’est détruire une ressource stratégique pour le développement des régions du Québec, que l’on aura mis des années à construire.

De fait, couper dans nos institutions, par le biais des programmes, permet au gouvernement de faire entrer non pas un mais bien deux éléphants dans la pièce. D’abord l’État « minceur », puis l’État (re)centralisé. Avec une telle orientation allant à l’encontre de demandes historiques fondamentales, on se prépare des lendemains qui déchantent. Car s’il y a une ligne de fond claire qui se dégage des nombreuses mobilisations territoriales observées autour de l’exploitation des ressources et de l’occupation du territoire c’est bien une demande pour plus d’État et pour un État « autrement » : fort d’expertises internes, indépendant des grands intérêts économiques à courte vue, et donc apte à réguler le développement des territoires, bref un État responsable du bien commun. On est bien loin d’un appel à un État « minceur » et centralisé!

Alors qu’on a lentement construit une société québécoise capable de reconnaître et de combattre les disparités régionales dès la Révolution tranquille – faut-il rappeler la grande époque de la planification régionale avec le BAEQ (Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec), de l’OPDQ (Office de planification et de développement du Québec), des ministres régionaux, d’un ministère entièrement dédié aux régions – l’actuel gouvernement achève une longue et sourde besogne de déstructuration de l’action publique territoriale qui a fait ses preuves ici et ailleurs. Exit la décentralisation administrative, exit la régionalisation, exit le développement régional lui-même. On peut certes discuter de l’«efficacité» des structures, mais penser réussir une mission sans des institutions publiques régionales fortes, c’est de la pensée magique.

Professeurs, membres du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT)

Marie-José Fortin, Chaire du Canada en développement régional et territorial, UQAR

Bruno Jean, Chaire du Canada en développement rural, UQAR

Marco Alberio, UQAR

Raymond Beaudry, UQAR

Serge Belley, ÉNAP

Yves Bergeron, UQAT

Geneviève Brisson, U. Laval

Mathieu Charron, UQO

Guy Chiasson, UQO

Omer Chouinard, U. de Moncton

Alexandre Couture-Gagnon, ÉNAP

Augustin Épenda, UQAT

Maude Flamand-Hubert, UQAR

Yann Fournis, UQAR

Christiane Gagnon, UQAC

Mario Gauthier, UQO

Emmanuel Guy, UQAR

Mario Handfield, UQAR

Fernand Harvey, INRS

André Joyal, UQTR

Danielle Lafontaine, UQAR

Dominic Lapointe, UQAM

Patrice Leblanc, UQAT

Nathalie Lewis, UQAR

Patrick Mundler, U. Laval

Steve Plante, UQAR

Marie-Claude Prémont, ÉNAP

Martin Robitaille, UQO

Diane Saint-Pierre, INRS

Richard Shearmur, U. McGill

Majella Simard, U. de Moncton

Martin Simard, UQAC

Fabrice Thuriot, U. de Reims

Autres professeurs en développement territorial

Cedric Brunelle, U. Memorial

Mario Carrier, U. Laval

Jean-Marc Fontan, CRISES/UQAM

Juan-Luis Klein, CRISES/UQAM

Pierre-André Julien, UQTR

François L’Italien, IRÉC

Pierre-André Tremblay, UQAR

Paul Y. Villeneuve, U. Laval

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