Le Mercredi 26 mars 2014
Plus d’une décennie pour agir contre les pesticides soupçonnés de causer la mort chez les abeilles
publié par Équiterre
Ottawa, le 26 mars 2014 – Quatre importants organismes voués à la protection de l’environnement ont fait parvenir une lettre à la ministre de la Santé, Rona Ambrose, lui demandant de ne plus attendre pour agir contre des pesticides soupçonnés de provoquer la mortalité chez les abeilles et pour lesquels des données toxicologiques importantes sont manquantes.
La clothianidine, l’un des pesticides de la famille des néonicotinoïdes soupçonnés de causer la mortalité chez les abeilles, est toujours présente sur le marché en dépit de l’absence d’études scientifiques valables permettant d’en évaluer les risques environnementaux sur les abeilles. Depuis 2004, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), sous l’égide de Santé Canada, demande la tenue d’études scientifiques sur la toxicité chronique de ce pesticide sur les abeilles aux compagnies qui détiennent une homologation pour la clothianidine. L’ARLA demande également de telles études depuis 2008-2009 à d’autres compagnies dont les homologations ont été renouvelées en juillet 2013 et qui ont poussé les groupes environnementaux à déposer un avis d’opposition en septembre 2013.
En novembre 2013, la ministre a déclaré que l’ARLA ne recevra pas ces études requises avant 2015 et que le rapport final de l’ARLA ne sera pas disponible avant 2017-2018. Si l’ARLA ne retire pas du marché ce pesticide et ne prend que des mesures symboliques d’ici là, la clothianidine aura été sur le marché pendant 14 ans, sans l’appui de données scientifiques valables sur sa toxicité chronique. L’Agence elle-même décrit cette situation comme une « lacune en matière de données essentielles dans l’évaluation des risques » associés à ce produit. D’autres données manquantes, réclamées depuis longtemps, mais pas encore reçues, pourraient renseigner l’ARLA sur la manière dont la clothianidine se comporte dans le sol et les plantes, y compris sur sa présence dans le nectar et le pollen et son niveau de concentration, ainsi que sa toxicité à long terme ou chronique pour les abeilles.
« Pourquoi la ministre permet-elle que cette situation persiste depuis plus d’une décennie? », questionne Sidney Ribaux d’Équiterre.
Au cours des années, l’ARLA a émis une série d’avis en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, dénommés « avis aux termes de l’article 12 », obligeant les compagnies qui détiennent une homologation pour certaines utilisations de la clothianidine à fournir ces études scientifiques. On a déjà vu l’expiration et le prolongement d’au moins une série de délais et l’Agence a renouvelé les homologations permettant à la clothianidine de rester sur le marché alors que les études requises n’ont toujours pas été soumises.
« Malgré de nombreux avis aux termes de l’article 12 émis pour la clothianidine et pour d’autres pesticides similaires (connus sous le nom de néonicotinoïdes), les fabricants ne fournissent pas les données réclamées. Ce sont les apiculteurs qui présentent les preuves, mais on ne prête aucune attention à leurs abeilles mortes », indique John Bennett de la Fondation du Sierra Club du Canada.
Selon le site Web de l’ARLA en 2012 :
« Selon les renseignements préliminaires évalués jusqu’à maintenant, il semble que des pesticides utilisés pour traiter les semences de maïs peuvent avoir contribué au moins en partie aux pertes d’abeilles survenues au printemps 2012 en Ontario. Cependant, on recueille encore d’autres renseignements aux fins d’analyse et on n’a pas encore tiré de conclusion. Nous vérifions minutieusement les circonstances spécifiques qui pourraient avoir contribué au nombre inhabituel d’abeilles décédées au printemps ».
(Au cours de l’année 2012, l’ARLA a également fait état des cas de mortalité d’abeilles survenus au cours du printemps dans plusieurs autres provinces)
Selon le site Web de l’ARLA en 2013 :
« On a recueilli des échantillons d’abeilles mortes, d’abeilles vivantes, de rayons contenant du pollen, de rayons contenant du miel, de plantes, d’eau et de sol afin d’analyser les résidus de pesticides. Les résultats préliminaires de l’analyse des résidus indiquent qu’approximativement 75 % des échantillons d’abeilles mortes contenaient des résidus détectables d’insecticides néonicotinoïdes utilisés pour traiter les semences de maïs et de soja. On a détecté des résidus d’insecticides néonicotinoïdes dans les échantillons provenant d’environ 80 % des apiculteurs dont les échantillons ont fait l’objet d’analyses. On a détecté de la clothianidine ou du thiaméthoxame, ou les deux, dans plus de 90 % des échantillons de rayons contenant du pollen des ruchers touchés, ainsi que dans certains échantillons d’eau, de sol et de rayons contenant du miel. Des échantillons supplémentaires sont en cours d’analyse ».
« En plus de compter les abeilles mortes, l’ARLA aurait aussi intérêt à recenser le nombre d’études clés qu’elle a demandées de la part de l’industrie des pesticides au cours des années, mais qu’elle n’a pas reçues », déclare Lisa Gue de la Fondation David Suzuki. « L’ARLA a mis la charrue avant les bœufs en autorisant d’abord la mise sur le marché de la clothianidine et en essayant pendant des années ensuite d’obtenir, de la part de l’industrie, des informations qualifiées par l’Agence elle-même de « données essentielles » pour l’évaluation des risques associés à ce produit », ajoute madame Gue.
En septembre 2013, Équiterre, la Fondation David Suzuki, la Fondation du Sierra Club du Canada et le Wilderness Committee, représentés par l’Association canadienne du droit de l’environnement et Ecojustice, ont déposé un avis d’opposition officiel concernant la réhomologation pour certains produits contenant de la clothianidine et réclamant la création d’un comité d’examen. Aucune réponse n’a été reçue de la part de la ministre concernant cette demande officielle.