Le Vendredi 18 juin 2010
Intégration de l’art au CHUM: faisons preuve de vision
publié par Culture MontréalLa semaine dernière, le directeur du CHUM, Christian Paire, annonçait sa volonté de faire une place à l’art dans les nouveaux édifices qui accueilleront l’institution publique de santé afin de «rendre l’hôpital plus hospitalier ». Cette intention empreinte d’humanité a pourtant immédiatement suscité des réactions d’incompréhension et de rejet. Certains se sont même permis de faire le procès de M. Paire comme gestionnaire parce que ce dernier suggère d’injecter une dose d’art et de culture dans des lieux voués à la guérison des corps et des esprits au moment où notre système de santé souffre d’indigence permanente.
Rappelons ici que Christian Paire a déjà maintes fois démontré sa capacité exceptionnelle de mener à bon port des projets hospitaliers complexes, tant dans leur dimension administrative qu’humaine. C’est pour cette raison qu’il se retrouve à la tête de cet immense projet qu’est le CHUM. Monsieur Paire a avancé l’idée d’intégrer l’art au CHUM parce qu’il est possible de le faire sans JAMAIS négocier la qualité des soins de santé offerts. Au contraire, la fréquentation de l’art et les pratiques culturelles sont des façons reconnues d’améliorer l’impact des traitements médicaux sur les individus et d’atténuer l’inquiétude et la souffrance des patients et des proches qui les accompagnent dans l’épreuve. En effet, de très nombreuses études menées ici et ailleurs dans le monde démontrent et expliquent ces effets positifs. Ainsi, les initiatives publiques et privées visant à soutenir les malades et à briser leur isolement en faisant appel à l’art se multiplient à un rythme impressionnant. Par le biais de la Society for the Arts in Healthcare, le National Endowment for the Arts aux États-Unis soutient plusieurs initiatives allant en ce sens. En Écosse, Art in Hospital dessert des milliers de personnes hébergées en centre de santé grâce à un programme axé sur les arts visuels. Plus près de chez nous, mentionnons le dynamique groupe Manitoba Artists in Healthcare ou encore la Health Arts Society, créée en 2006 par David Lemon en Colombie Britannique, ainsi que sa cousine montréalaise, la Société pour les arts en milieu de santé, créé par des acteurs engagés du milieu culturel en 2009. Notons aussi qu’un nombre croissant d’élus se joint au mouvement pour l’intégration des arts en santé. Un exemple à applaudir : non content de simplement accueillir le congrès de la Society for the arts in healthcare en 2010, le maire de Minneapolis, au Minnesota, a fait du mois de mai le mois officiel des arts dans les soins de santé pour sa ville.
Que l’on soit en voyage à l’étranger, au café du coin ou à la maison, l’art fait partie du quotidien. Pourquoi, alors, devrait-on l’exclure des milieux hospitaliers, là où il peut avoir un impact profondément bénéfique? Comme le dit si bien Eileen Lawton, du New Jersey Council on the Arts, citée dans le site d’Arts in Health (www.artsinhealth.ca) : «If the purpose of art is to nourish the spirit, what more appropriate place to find it than a hospital, where our spirit may encounter its most critical moments.»
Enfin, quelques mots en ce qui a trait aux budgets liés au design, à l’architecture et à l’aménagement du CHUM: je suis profondément convaincu que, comme le veut le dicton, il n’en coûtera pas plus cher de choisir le beau au lieu de promouvoir l’insignifiance. Le CHUM pourrait également servir d’exemple en faisant appel à des artistes, artisans et créateurs pour siéger aux comités veillant à la qualité architecturale et à l’aménagement du projet. Ce serait assurément une rencontre inspirante entre le milieu de l’art et celui de la santé…
Citoyen institutionnel majeur de la métropole, lieu reflétant notre approche et nos pratiques les plus évoluées en matière de santé, le nouveau CHUM est LE lieu où nous ne pouvons pas lésiner sur les moyens d’atteindre l’excellence. Car là doivent s’incarner notre ambition d’offrir des soins de santé de qualité à l’ensemble de la population, notre vision d’une capitale de savoir et d’innovation ainsi que nos idéaux pour une ville dont le destin est celui d’une métropole culturelle. Alors que nous sommes à repenser le cœur même du centre-ville, ne laissons pas s’échapper l’occasion d’y créer un environnement exemplaire qui mettra à l’œuvre toute la créativité, la dignité, le respect et l’intelligence dont nous sommes capables. C’est la vision exprimée récemment par Christian Paire. Je la partage sans réserve.
Simon Brault, président de Culture Montréal