Le Mercredi 11 novembre 2009
Une politique en itinérance, une occasion à saisir pour le gouvernement
publié par Réseau solidarité itinérance du QuébecLe 4 novembre dernier, des parlementaires des quatre partis présents à l’Assemblée nationale ont été unanimes en déposant leur rapport sur l’itinérance : le Québec doit se doter dans les plus brefs délais d’une politique en itinérance, en concertant tous ses ministères concernés.
Depuis un an, quatre itinérants ont été trouvés morts dans les rues de Montréal. Ces évènements sont les récentes tragédies d’une réalité étourdissante en cours dans plusieurs régions du Québec: des demandes d’aide alimentaire à la hausse, une fréquentation accrue des refuges, une pression constante sur notre système de santé, une présence dérangeante dans des voisinages. Bref, des conditions de vie déplorables et une pauvreté extrême.
Cette Commission parlementaire s’est tenue de septembre 2008 à avril 2009 et est sortie de l’Assemblée nationale en se déplaçant à Montréal, Gatineau et Trois-Rivières. Son résultat est encourageant pour le Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec (RSIQ), qui depuis 2006 pariait sur une politique globale en itinérance. Il s’agit sans équivoque d’un pari gagné. Le milieu communautaire, des villes, des institutions, telles la Commission des droits de la personne et le Barreau du Québec ont étayé pourquoi cette politique est nécessaire pour répondre aux besoins grandissants. Le rapport même de cette commission reprend les grands axes de la politique que prône le RSIQ, au niveau du droit de cité, des droits au logement, au revenu, de l’accès aux services, etc.
Une réserve importante sur le contenu de ce rapport est le choix qu’ont fait les député-e-s de privilégier des recommandations pour agir en sortie de l’itinérance, plutôt que des actions globales tant pour réduire l’itinérance que la prévenir. Certaines recommandations de leur rapport intègrent cependant cette vision globale.
Des actions pour bâtir la Politique
Le rapport de la Commission recommande plusieurs mesures qui permettront au gouvernement de se doter d’une politique adéquate. Sur la judiciarisation, le rapport demande aux villes de reconnaitre le droit à l’espace public, d’agir autrement que par la judiciarisation. Il demande au gouvernement d’éviter le couteux emprisonnement pour non paiement d’amendes et que soit adoptée une politique de radiation comptable de contraventions, reprenant en essence la demande d’amnistie exprimée particulièrement à Montréal par le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).
Sur le logement, le rapport est aussi assez solide. Sa première recommandation est que les villes adoptent un plan de sauvegarde des maisons de chambres. Il recommande aussi que le gouvernement assure un financement quinquennal du logement social pour les personnes itinérantes ou à risque de l’être. Il demande aussi que le financement du soutien communautaire dans ces logements, soient assurés dès le départ pour les organismes qui développent ces logements.
Le rapport reprend les demandes exprimées pour que soit amélioré l’accès aux services, tant par les centres hospitaliers, les services généraux que les services spécifiques, tels des lieux de dégrisement. Il demande au gouvernement de revoir sa décision de ne pas aller de l’avant avec la mise en place de sites d’injection supervisée.
Des faiblesses et des surprises
Un des éléments décevants du rapport est la faiblesse des actions recommandées sur la pauvreté, outre que soit respecter la décision du tribunal administratif du Québec garantissant l’accès au chèque d’aide sociale pour les sans domicile fixe, sans prévoir de moyens concrets.
Un autre élément faible est sur la responsabilité des institutions (qui actuellement jettent à la rue des gens), où il est demandé, sans prévoir des moyens, aux Agences de la santé de s’assurer que des plans de transition soient prévus par celles-ci (centre jeunesse, centres hospitaliers, milieu carcéral).
Au niveau du financement des groupes communautaires, le rapport s’avance aussi sur plusieurs points, soit d’accorder un financement suffisant et récurrent, sur trois ans. Il demande aussi que soit créé un programme de financement itinérance au Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Le rapport ne reconnait toutefois pas l’importance des concertations régionales de lutte à l’itinérance et du réseau national à cet effet, pourtant des pierres angulaires importantes pour la coordination et la cohérence des actions liées aux besoins de chacun des milieux.
Le coût de l’inaction
Dans une approche pour obtenir l’unanimité, la Commission recommande à la fois une politique en itinérance, pour sa vision globale, et un plan d’action pour développer des réponses rapides, ce dernier plan étant l’approche privilégiée par le gouvernement à date. Les député-e-s proposent pour ce plan de priviliégier quelques recommandations, dont celles sur le logement social, la formation et la responsabilité des institutions.
Il reste à voir ce que contiendra le plan d’action annoncé d’ici « les grands froids »par la ministre responsable, Madame Lise Thériault. Un plan d’action pourrait-il servir à bâtir une politique ? Un collage de certaines mesures gouvernementales sera largement insuffisant pour obtenir une action gouvernementale globale pour réduire et prévenir l’itinérance, tout comme quelques mesures ponctuelles. En bout de ligne, le gouvernement ne pourra pas faire l’économie d’une politique globale. Des actions concertées à court, moyen et long terme devra être l’engagement d’une société. Et cela sera aussi des économies, économies budgétaires et de détresses humaines.
Marie-Claude Vézina (Table de concertation sur l’itinérance de Sherbrooke), Frédéric Keck (Regroupement pour l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec – RAIIQ), Pierre Gaudreau et François Villemure (Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal – RAPSIM), Martine Martin (Table itinérance de Saguenay), Pierre Couture (Table itinérance de Drummondville), Jean Casaubon (Table de concertation sur les sans domicile fixe de la Rive-Sud), Jenny Villeneuve (Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais – CRIO), François C. Germain (Réseau des organismes et intervenants en itinérance de Laval – ROIIL) et André Trépanier (Réseau SOLIDARITÉ Itinérante du Québec – RSIQ)