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Chronique

Lettre ouverte du 26 septembre 2022 | Le 29 mars dernier, le « Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé » dorénavant appelé « Plan Dubé » était déposé. Le Ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé y affirme qu’il mise « sur la pertinence, l’efficience et la création de valeur, dans le respect des principes qui me sont chers, et qui sont chers à notre société: l’universalité, l’accessibilité, l’équité et la qualité des soins » Ces principes nous animent, et guident notre propre travail comme notre militantisme. Ils doivent servir de phare à toute décision politique en santé, petite ou grande; il en va de notre humanité commune.
La réorganisation annoncée contredit ces principes fondamentaux. À mi-chemin de la campagne électorale, il appert qu’ils ne guident pas non plus les orientations annoncées par la CAQ en matière de santé.

Universalité, accessibilité, équité et qualité? Voyons voir
Parmi les manquements, force est de constater que rien n’est prévu pour garantir l’universalité des soins aux adultes dont le statut migratoire est précaire. Il est vrai qu’avec l’adoption, il y a un an, de la loi 83, les enfants peuvent désormais accéder au système de santé. Mais qu’en est-il de leurs parents, dont la santé est en péril faute d’avoir droit aux soins de santé, ou lorsque ces enfants atteignent 18 ans? La régularisation de tous les migrants précaires résoudrait le problème de l’accès universel aux soins de santé. Le premier ministre Trudeau ayant chargé son ministre de l’Immigration de créer un programme donnant le statut de résident permanent aux personnes sans papiers, le gouvernement du Québec devrait soutenir et promouvoir cette initiative en facilitant l’octroi de la résidence permanente à tous les migrants précaires.
Le déni obstiné par la CAQ de la présence du racisme systémique n’exclut pas son existence au Québec.
Le Plan Dubé et les engagements électoraux de la CAQ ne mentionnent aucune des recommandations mises de l’avant par la Nation Atikamekw pour mettre fin aux injustices que vivent les Autochtones au sein de notre système de santé. C’est dans un Québec où le racisme systémique existe que Joyce Echaquan
est décédée, victime de celui-ci, et ce silence est une violence de plus. Reconnaître le Principe de Joyce et l’appliquer dans toute réforme de la santé et des services sociaux doit aller de soi.
Bien que le Plan Dubé reconnaisse l’importance de « la réduction des inégalités sociales ayant une incidence sur la santé », il ne propose rien de concret pour les réduire. Actuellement, des populations marginalisées ne reçoivent pas des soins dignes et adéquats, dont les communautés LGBTQA2S, les communautés racialisées, les femmes et les hommes détenus, les personnes sans logement. Les personnes avec des limitations fonctionnelles recevront-elles enfin des soins de santé dignes et adéquats à
domicile?

La privatisation vs les principes qui nous sont chers
Les générations futures paieront le prix du démantèlement du système public, déjà bien amorcé sous les gouvernements précédents et la CAQ propose de continuer de l’affaiblir.
Notre système de santé public n’est plus l’idéal rêvé pendant la Révolution tranquille. Il est victime de deux décennies de gestion néolibérale, de sous-financement chronique, de centralisation et de réformes bureaucratiques insensées. Il souffre du manque de respect et de considération pour ses travailleurs, qui y œuvrent avec tout leur cœur et leur compétence.
Les annonces de la CAQ vers une plus grande privatisation en santé auront des conséquences désastreuses sur l’universalité, l’équité, l’accessibilité et la qualité des soins en santé au Québec. D’après
sa propre expérience face aux dépassements de coûts, le gouvernement sait que le recours au secteur privé pour remplacer le personnel du secteur public, n’est pas économiquement viable, ni socialement acceptable. Un regard au sud de la frontière suffit pour s’en convaincre. La population mérite un système 100% public et cela demande de résoudre la pénurie de personnel soignant, en particulier le personnel infirmier, en investissant dans le secteur public d’abord et non dans le privé.

Loin de la démocratisation de la santé
Malgré que l’article 2 de la LSSSS garantisse la participation de la population à sa propre santé, physique comme mentale, rien n’est proposé pour travailler avec les communautés négligées et marginalisées, afin d’apprendre à rendre les soins de santé véritablement accessibles. La manière dont le Plan Dubé considère les organismes communautaires est d’ailleurs éloquente à cet égard, les comptant dans ses propres ressources, alors qu’ils sont autonomes. En plus d’offrir à la population une autre réponse que celle du réseau, les groupes communautaires permettent la participation citoyenne aux décisions qui influencent leur santé. La démocratisation de la santé devrait être au cœur des décisions et de toute réforme, notamment en assurant l’autonomie des groupes communautaires et la poursuite de leurs activités, ainsi qu’en redonnant le pouvoir décisionnel aux communautés et au personnel soignant, par exemple comme à l’origine des CLSC.

Un plan dans un plan
À ces exemples d’incohérences entre ce que la CAQ envisage pour son prochain mandat, et les valeurs prônées par le Plan Dubé, s’ajoutent des annonces qui auront des conséquences sur le droit à la santé.
Des baisses d’impôt annoncées, aux réticences à accueillir plus de 50 000 personnes immigrantes, les engagements de la CAQ nuiront à la société québécoise en général et au financement des services publics en particulier. Plutôt que de stopper la démolition du système public de santé et de services sociaux, un gouvernement de la CAQ y contribuera largement, au mépris du choix de société qui est le nôtre depuis fort longtemps.

Arnold Aberman MD, Le collectif Soignons la justice sociale
Gaëlle Fedida, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et
bénévoles
Me Lucie Lamarche, Ph.d., Ad.E., MSRC, Ligue des droits et libertés
Eloy Rivas-Sánchez, Solidarité sans frontières
Kat Stein, directrice des services de santé, À deux mains

26 septembre 2022

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