Deux événements apparemment disjoints survinrent en France en 1860. Le premier, c’est que le poète Charles Beaudelaire, ayant assisté à un concert de musique de Wagner, écrivit quelques jours plus tard au compositeur, alors que l’écoute de cette musique lui manquait : «Si, au moins, je pouvais entendre ce soir un peu de Wagner».
Cette même année 1860, le français Édouard-Léon Scott de Martinville gravait sur papier des formes d’ondes sonores grâce à un appareil de son invention, le «phonautographe». Des chercheurs américains, ayant récemment converti les ondes en format informatique, ont pu restituer la chanson qui s’y trouve – Au clair de la lune, probablement le plus ancien enregistrement audio.
Jusqu’à l’époque de Beaudelaire, l’écoute de la grande musique avait quelque chose de précieux. La prestation d’un orchestre était souvent l’unique opportunité pour une personne d’entendre une œuvre. C’était à chaque fois comme un rendez-vous historique – il fallait y être pleinement attentif pour ne pas perdre ce moment.
Depuis que prolifèrent les enregistrements, les performances musicales ont perdu leur singularité. On peut écouter du Wagner où et quand on veut. Cette facilité d’accès pourrait tendre à banaliser notre perception de la qualité des œuvres.
Pourtant une grande œuvre d’art n’est pas un objet de consommation. La facilité d’accès à une œuvre ne justifie en rien qu’on en considère la qualité moindre. Car alors ce que l’on banalise n’est pas l’œuvre, mais plutôt la substance même de notre vie, c’est-à-dire notre capacité de déceler l’extraordinaire derrière les apparences ordinaires.
Le grand art a comme fonction d’élever notre conscience toujours plus haut pour que chaque écoute d’une même œuvre procure un nouvel éveil pour l’âme.
-Écrit par Charles Goyette, volontaire à Nouvelle Acropole Montréal
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