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Introduction

À mesure que les technologies, et notamment Internet, gagnent en popularité tout comme en accessibilité, les réseaux sociaux de nos jeunes ont pris une expansion et ont connu une évolution que les générations moins branchées commencent à peine à saisir.

Internet est une véritable communauté pour les jeunes, et non plus un simple carrefour de jeu et d’information. Les ados évoluent tout naturellement dans cet univers virtuel qui, malgré ses nombreuses similitudes avec le monde réel, repose sur des règles, des comportements et des protocoles qui lui sont propres, avec tout ce que cela peut comporter d’avantages comme d’inconvénients. L’apparition de la cyberintimidation en est justement l’un des inconvénients.

Il y a peu de temps encore, l’intimidation ne survenait qu’à l’école. C’est avec la multiplication des ordinateurs et des téléphones cellulaires qu’elle a aussi envahi le cyberespace. Pareil phénomène a beau avoir fait la manchette à de nombreuses reprises depuis quelques années, il y a relativement peu de temps qu’il existe. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur les raisons qui incitent des jeunes à intimider leurs pairs en ligne, sur les conséquences de la cyberintimidation pour ses victimes, et sur les moyens dont nous disposons pour freiner la tendance à l’échelle du Canada ou même du monde.

Qu’est-ce que la cyberintimidation?

La cyberintimidation implique l’utilisation des technologies de l’information et de la communication comme le courriel, les messages textuels envoyés par téléphone cellulaire ou par téléavertisseur, la messagerie instantanée, les sites Web personnels diffamatoires et les sondages diffamatoires sur sites Web personnels dans le but de renforcer un comportement hostile, délibéré et répétitif d’un individu ou d’un groupe qui cherche à blesser les autres.“ (traduction libre – Bill Belsey)

Comme tous les autres types d’intimidation, la cyberintimidation se manifeste souvent dans un contexte de groupe de pairs et implique certains éléments de base :
• déséquilibre de pouvoir
• actes blessants
• comportement répétitif

Produit des technologies de la communication, la cyberintimidation présente toutefois des caractéristiques uniques, notamment :
• l’intimidateur peut rester anonyme;
• l’intimidateur peut prétendre être quelqu’un d’autre;
• l’intimidation peut se produire n’importe où, n’importe quand, puisque le cyberespace est accessible partout et en tout temps;
• l’intimidation peut prendre plusieurs formes à l’intérieur du cyberespace;
• la capacité de propagation des mots et des images est instantanée et illimitée.

Il en résulte que les victimes de cyberintimidation peuvent se sentir encore plus accablées et impuissantes que dans les cas d’intimidation traditionnelle. La cyberintimidation peut donc atteindre de nouveaux sommets sur le plan de l’intimidation et de la détresse.

Comment fonctionne la cyberintimidation?

Les principales méthodes utilisées pour intimider en ligne ont été énumérées précédemment. La plupart des gens connaissent bien le potentiel de communication que présentent le courriel, la messagerie instantanée (comme Windows Live Messenger) et les téléphones cellulaires.

Ce qui est probablement moins connu est le phénomène du réseautage personnel. Les sites de réseautage personnel permettent de créer des communautés virtuelles à partir d’intérêts communs. Les membres y affichent leur profil, dans lequel ils dévoilent des renseignements personnels ainsi que leurs champs d’intérêt. Ces sites permettent aux membres de communiquer entre eux et d’interagir au moyen de la messagerie instantanée ou d’un système de babillard électronique. De nouveaux sites de ce genre émergent régulièrement, et leur niveau de popularité varie avec le temps. Parmi ces sites, notons MySpace, Facebook et Nexopia. Les sites de jeux interactifs constituent également des « lieux » où des jeunes, qui ne se connaissent souvent pas, peuvent se rencontrer. Il est toutefois important de noter que bien que les étrangers représentent un risque en ligne, la menace principale en matière de cyberintimidation vient des amis et des gens que l’internaute connaît.

Étant donné les diverses méthodes disponibles, les combinaisons possibles d’actes de cyberintimidation sont multiples.

Sondage de Jeunesse, J’écoute sur la cyberintimidation

Jeunesse, J’écoute a pensé qu’il serait utile de demander aux jeunes de leur parler de leurs comportements en ligne dans le but de mieux connaître ce qu’ils vivent en matière de cyberintimidation. Jeunesse, J’écoute a donc réalisé une enquête en ligne sur le site français (www.jeunessejecoute.ca) et anglais (www.kidshelpphone.ca) sur une durée d’un mois.

Au total, 2 474 sondages ont été remplis, dont 186 en français. Parmi les répondants, 76 % étaient des filles et 54 % étaient âgés de 13 à 15 ans.
• Plus de 70 % des répondants ont dit avoir été victimes d’intimidation en ligne.
• Quelque 44 % des répondants ont affirmé avoir intimidé quelqu’un en ligne au moins une fois.

Comment se sentent les jeunes qui sont victimes de cyberintimidation?

Les jeunes victimes de cyberintimidation ont le plus souvent été injuriés, ont fait l’objet de rumeurs et ont été menacés ou terrifiés.

Les effets de l’intimidation en ligne sont semblables à ceux des autres types d’intimidation. Toutefois, le sentiment d’impuissance, de frustration et de trahison semble être plus prononcé chez les victimes de cyberintimidation.
Les principaux effets ressentis seraient :
• l’exclusion
• la vulnérabilité
• l’impuissance
• la trahison
• la peur
• la frustration

Par ailleurs, bon nombre de répondants semblaient être surpris du caractère public des espaces virtuels; la plupart ne semblaient pas conscients du fait que le cyberespace n’est pas un espace privé et qu’il peut être difficile d’y contrôler le flux d’information.
De nombreux jeunes ne comprennent pas que le fait d’être « en ligne » signifie que c’est public; en outre, ils ne saisissent pas les implications de faire circuler de l’information sur un forum accessible à tous qu’on peut difficilement contrôler.

Ce que font les jeunes qui sont victimes de cyberintimidation

Bien que le fait de bloquer l’accès ou d’ignorer quelqu’un soit des options avisées et efficaces pour réduire la fréquence de la cyberintimidation, les jeunes ne considèrent pas la cyberintimidation sérieusement. Ils s’appliquent à réagir aux actes, mais ils ne s’arrêtent pas aux conséquences émotives que ces comportements peuvent entraîner.

Comme dans le cas des autres types d’intimidation, les jeunes qui dénoncent des situations de cyberintimidation sont encore plus ciblés, car le filtre de l’anonymat est disparu.
Les jeunes obtiennent toutefois plus de succès en ayant recours à certaines méthodes de dénonciation; et dans certains cas, ce succès est une conséquence directe du fait que l’intimidation se produit en ligne. Par exemple, certains jeunes disent avoir résolu le problème en imprimant la correspondance et en présentant ainsi une preuve tangible de l’intimidation.

Un élément positif qui ressort des situations de cyberintimidation par rapport aux autres types d’intimidation est que les jeunes ont l’occasion de se défendre d’une certaine manière. Bloquer l’accès, ignorer la situation et dénoncer la situation ne constituent pas toujours des solutions idéales et ne présentent pas toujours le même taux d’efficacité, mais elles permettent du moins aux jeunes d’avoir une certaine emprise et de tenir tête à l’intimidateur en ligne.

Ce que font les intimidateurs en ligne

Les principales forme d’intimidations :
1. Injurier quelqu’un
2. Répandre des rumeurs
3. Prétendre être quelqu’un d’autre
4. Menacer quelqu’un
5. Envoyer des photos personnelles de quelqu’un à d’autres personnes

La cyberintimidation permet aux jeunes d’intimider les autres anonymement; ils ne voient pas la personne qu’ils intimident et ils n’ont pas à s’engager émotivement de la même façon que s’ils faisaient face à cette personne.

Pourquoi les intimidateurs sévissent en ligne
Les répondants au sondage ont le plus souvent indiqué que c’était parce qu’il n’y a pas de supervision, parce que c’est anonyme et parce que c’est un moyen facile de se venger.

Pression des pairs et popularité
En ligne, les jeunes sont valorisés par le nombre : nombre d’appels de fichier, nombre d’amis, nombre de liens, etc. C’est ainsi qu’ils définissent leur estime personnelle; ils sont donc prêts à faire des choses en ligne qu’ils ne feraient jamais dans un autre contexte afin de maintenir leur popularité.
Ils sont aussi plus vulnérables à la pression des pairs puisque les activités en ligne sont souvent une affaire de groupe, qu’ils fassent partie d’un groupe dans un jeu en ligne ou qu’ils soient physiquement réunis à plusieurs autour d’un ordinateur.

Outre la pression des pairs, les résultats du sondage ont révélé que le plaisir et le défoulement figurent parmi les raisons motivant la cyberintimidation.

Comment se sentent les jeunes qui intimident les autres en ligne
Voici les principaux thèmes qui ressortent:
1. Regret
2. Sentiment d’affirmation et de puissance
3. Ambivalence

Amis ou inconnus – Qui est qui dans le cyberespace?

Une analyse plus poussée des réponses qualitatives a indiqué que dans le cyberespace, les jeunes peuvent entrer en conflit avec des amis ou des étrangers, sans distinction. Autrement dit, ils peuvent avoir des différends avec des personnes qui leur sont étrangères. Au moins, dans la cour d’école, on « connaîtrait » d’une certaine manière ces « étrangers » et on serait en mesure de les
reconnaître.

Dans l’environnement virtuel, les jeunes ont donné une nouvelle définition à l’expression « connaître » quelqu’un. Cette définition n’implique pas la connaissance des traits physiques ou d’autres preuves tangibles qui vont de soi dans les relations de personne à personne. Par exemple, en ligne, on dit connaître quelqu’un parce qu’on a reçu une photo de lui alors que dans la vraie vie, cela implique qu’on l’ait rencontrée en chair et en os. Dans un cas, on peut vérifier l’identité, mais pas dans l’autre.

Quoi faire pour contrer la cyberintimidation

Les adultes peuvent proposer des mesures permettant de faire face à une situation de cyberintimidation, mais les jeunes connaissent mieux l’univers virtuel qu’eux. Ils ont souvent des suggestions viables pour aider les jeunes à composer avec certains comportements en ligne.

Ce que les jeunes peuvent faire, tel que suggéré par les jeunes qui ont répondu au sondage
1. Être conscients que le cyberespace est un espace public
2. Éviter les endroits qui risquent d’être problématiques
3. Ignorer l’intimidateur
4. Protéger ses renseignements personnels
5. Éviter les contacts et rapporter l’incident
6. En parler à un adulte de confiance
7. Connaître qui sont nos amis
8. Garder une vie sociale en dehors du cyberespace

Ce que les écoles et les communautés peuvent faire, tel que suggéré par les jeunes qui ont répondu au sondage
1. Imposer des conséquences aux intimidateurs
2. Informer
3. Faire la promotion des solutions entre jeunes
4. Inclure les parents dans la solution
5. Mettre sur pied une ligne pour contrer l’intimidation ou faire la promotion des lignes d’aide existantes

Peu importe les mesures que l’on choisit de prendre pour tenter de prévenir ou pour punir les actes de cyberintimidation,les jeunes et les adultes doivent s’unir pour définir les comportements qui sont acceptables en ligne et voir à les faire respecter, ainsi que pour mettre en oeuvre des programmes de sensibilisation et de prévention ciblant la cyberintimidation en particulier et l’intimidation en général.

Conclusion

Jamais il n’était encore arrivé, dans l’histoire de l’humanité, qu’une majorité de jeunes maîtrisent mieux la technologie que les adultes. Comme Internet permet de plus en plus facilement aux jeunes d’exploiter les nouvelles technologies, les échanges en ligne se multiplient de façon exponentielle. En outre, plus les jeunes possèdent de connaissances et de compétences technologiques, plus ils ont de pouvoir dans le cyberespace. Le sentiment d’anonymat qu’ils peuvent éprouver en situation virtuelle atténue par ailleurs leurs inhibitions. Le phénomène de la cyberintimidation n’a donc rien d’étonnant dans ce contexte.

La plupart des jeunes ont les compétences technologiques nécessaires pour se protéger de la cyberintimidation s’ils en sont eux-mêmes la cible (en bloquant ou en évitant les messages de cyberintimidateurs ou en n’en tenant simplement pas compte). Quelle que soit la forme qu’elle prenne, l’intimidation semble toutefois avoir des conséquences émotionnelles presque immédiates que les jeunes ont beaucoup de difficulté à gérer. Étant donné la vitesse à laquelle évoluent les technologies, on commence à peine à prendre conscience des conséquences émotionnelles de la cyberintimidation, à mieux comprendre le phénomène et à trouver des moyens de défense adaptés.

D’autre part, quantité de jeunes savent faire preuve de grande prudence dans le cyberespace, notamment en s’abstenant de divulguer leurs renseignements personnels aux « inconnus ». Le problème, c’est qu’ils considèrent bien peu de gens de leur âge comme des inconnus lorsqu’ils communiquent en mode virtuel. Même quand ils ne se connaissent pas très bien les uns les autres, les jeunes internautes se transmettent allègrement leurs listes « d’amis », au point où celles-ci finissent par devenir de véritables propriétés communes.

Dans l’esprit d’un jeune, les relations et les amitiés virtuelles sont tout aussi réelles et valables que celles qu’il vit hors du cyberespace. Beaucoup de jeunes sont d’ailleurs reliés en permanence à tout leur réseau par messagerie instantanée, par messagerie texte, par courriel, par jeux en ligne et par l’entremise de sites de réseau social. La liste englobe aussi bien les ami(e)s, les connaissances et les amoureux ou amoureuses qu’ils fréquentent de façon concrète que des gens qu’ils connaissent uniquement par l’entremise d’Internet. Qu’elle vienne d’une « vraie personne » ou d’un correspondant virtuel, l’intimidation a donc le même pouvoir destructeur du point de vue émotionnel.

Le sentiment d’anonymat que l’on éprouve en ligne comporte cependant certains avantages pour les jeunes qui sont victimes ou témoins de cyberintimidation. Bon nombre d’entre eux n’hésitent pas, en effet, à affronter ou à dénoncer l’intimidateur (chose qu’ils n’oseraient pas forcément faire en personne). C’est dans leur façon de se défendre (souvent par la riposte) qu’ils risquent de déraper. Dans un univers aussi impersonnel qu’Internet, l’empathie n’intervient pas entre l’intimidateur et celui ou celle qui décide de riposter.

Nombreux sont les jeunes répondants qui jugent que les adultes peuvent aider à contrer la cyberintimidation et à assurer la sécurité du cyberespace. Les adultes doivent toutefois apporter un soutien réel aux jeunes en se montrant justes et ouverts aux préoccupations qu’on leur confie – de façon à ce que les intimidateurs soient punis, et non leurs victimes. Ce n’est pas une solution que d’interdire aux jeunes de fréquenter certains sites ou d’utiliser l’ordinateur. Pareilles restrictions plongent en effet les jeunes dans l’isolement ou, pire encore, les incitent à se brancher dans la clandestinité (auquel cas ils échappent vraiment à toute supervision).

Recommandations

Le phénomène de la cyberintimidation a déjà suscité beaucoup de réflexion. Certains organismes comme le Centre for Safe and Responsible Internet Use et Cyberaide.ca ont d’ailleurs formulé des stratégies détaillées, non seulement pour sensibiliser les jeunes à l’importance de se protéger en ligne, mais aussi pour faire participer les parents et le personnel des écoles à l’étude des facteurs de risque et à l’établissement de politiques adaptées.

Voici quelques-unes des suggestions présentées dans le présent rapport ou dans ceux de la professeure Faye Mishna de l’Université de Toronto à l’intention des écoles et des parents :
• Assurez-vous de vous renseigner dès maintenant sur les questions de sécurité dans le cyberespace et sur les moyens dont dispose votre école pour aider ses élèves à se protéger.
• Abordez régulièrement l’utilisation sûre d’Internet avec vos élèves ou vos enfants et assurez-vous qu’ils sont conscients des risques de cyberintimidation auxquels ils s’exposent en diffusant des photos, des capsules vidéo ou des renseignements personnels.
• Établissez des règles claires pour limiter l’utilisation d’ordinateurs et de téléphones cellulaires, par exemple, à l’école ou dans la cour d’école. Précisez tous les types d’appareils et tous les modes de communications interdits, pour que les jeunes sachent exactement à quoi s’en tenir.
• Sensibilisez les jeunes aux conséquences que peut avoir la cyberintimidation pour eux ou leurs pairs, et réfléchissez avec eux à des stratégies de prévention.
• Soyez attentifs aux indices susceptibles de révéler qu’un jeune est victime de cyberintimidation. Par exemple : modification des comportements ou du tempérament, perte d’intérêt pour les activités sociales, changement des habitudes d’utilisation d’Internet ou d’autres technologies, ou encore crainte inhabituelle d’aller à l’école.
• Invitez les jeunes à se confier ouvertement à vous sur les questions touchant l’intimidation – qu’ils la vivent en ligne ou en personne.
• Ne sous-estimez surtout pas la gravité de la situation en conseillant simplement aux jeunes victimes de cyberintimidation de faire comme si de rien n’était et d’attendre que le problème se règle comme par enchantement.
• Ne tombez pas non plus dans l’excès contraire pour protéger un jeune victime de cyberintimidation, en lui interdisant par exemple de se brancher sur le Web.
• Faites bien comprendre à vos jeunes qu’ils peuvent compter sur votre appui et que vous pouvez les aider à trouver des solutions s’ils sont victimes de cyberintimidation.

Les parents doivent par ailleurs se rendre à l’évidence que leurs enfants vont forcément exploiter des technologies leur donnant accès au cyberespace. Ils doivent donc prendre le temps voulu pour se familiariser avec ces technologies et convenir avec leurs enfants de règles et de stratégies de sécurité. Les enfants doivent pour leur part avoir l’assurance qu’ils ne se verront pas interdire
tout accès au cyberespace s’ils enfreignent ces règles, et qu’ils peuvent se confier à leurs parents en toutes circonstances.

Pour plus de renseignements sur la cyberintimidation ou pour obtenir de l’aide : www.jeunessejecoute.ca et par téléphone : 1-800-668-6868 ou Texte au 686868

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