Tout le Québec

Sélectionnez une ville/municipalité

Sélectionnez une ville/municipalité

Article

La manipulation mentale

Les expressions « brainwashing » et « manipulation mentale » sont des termes populaires pour parler de réforme de la pensée et de persuasion coercitive. Celles-ci ont d’abord été utilisées par différents chercheurs pour décrire le programme de modelage de la pensée mis sur pied par le régime communiste. À l’époque, ces techniques étaient utilisées dans les universités, les programmes éducatifs et les prisons chinoises afin de modifier le point de vue politique des participants.

Les techniques de manipulation mentale ont attiré l’attention du public lorsque des prisonniers américains ont déclaré leur allégeance au parti communiste après une période d’incarcération en Chine. Après quelques recherches , la modification de la pensée subie par les prisonniers américains a été associée à l’utilisation de techniques de manipulation bien précises par les geôliers chinois.

Robert J. Lifton a étudié les mécanismes de manipulation utilisés dans les prisons chinoises. Les résultats de son étude sont utilisés depuis la fin des années 1970 pour comprendre l’expérience des membres de groupes identifiés par certains comme des « sectes » .

Dans son livre intitulé « Thought Reform and the Psychology of Totalism » (1961), Lifton décrit le processus par lequel un groupe peut, à l’aide de techniques particulières, modifier la personnalité d’un participant.

D’abord pour transformer la personnalité d’une personne, il faut que cette dernière participe à la vie d’un groupe qui partage une philosophie de vie totalitaire. Cette philosophie doit donc valoriser:

· L’unité du groupe ;

· L’acceptation de la croyance selon laquelle le groupe est le seul rassemblement d’êtres humains a possédé la Vérité ;

· L’intégration de valeurs spécifiques dans le quotidien ainsi que l’adoption de comportements particuliers ;

· L’abandon de l’individualité du membre dans le groupe.

La pensée totalitaire permet ainsi de créer un climat propice à la mise en place des techniques de persuasion coercitive. Ces dernières permettent de modifier la personnalité de l’individu. Voici une brève explication de ces différentes techniques.

Le contrôle du milieu


Cette technique consiste à contrôler le milieu dans lequel évolue la personne. Ainsi :

· L’ensemble des informations accessibles aux individus est contrôlé;

· La personne n’a plus à juger de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, le groupe sait ce qui est bon ou non pour elle. Le groupe indique donc aux membres des détails sur ce qui est adéquat de penser, de faire, les lieux où il est permis de se rendre, les habits qu’il est adéquat de porter et plus encore ;

· Dans un tel milieu de vie, la personne ne doit rien cacher aux dirigeants ainsi qu’aux autres membres. Toute information concernant le vécu des membres, leurs activités quotidiennes, leur histoire personnelle est confiée aux dirigeants ainsi que dans certaines circonstances à l’ensemble des membres du groupe.

Le contrôle du milieu peut être facilité par l’éloignement géographique. Les rencontres de formation et les stages offerts aux recrues se déroulent dans une zone isolée pour limiter les possibilités que les participants quittent la formation sans aviser un autre membre du groupe.

La manipulation mystique

La manipulation mystique consiste à :

· Persuader les membres du groupe du pouvoir divin du leader. Les membres acceptent volontairement et parfois sans questionnement les demandes de ce dernier. Le pouvoir surnaturel ou les connaissances exceptionnelles que le leader prétend posséder comme effet de légitimer l’ensemble de ses demandes aux yeux des membres ;

· Cette technique permet au leader d’imposer ses choix aux membres.

L’exigence de la pureté.


Dans un milieu totalitaire, le monde est divisé en deux blocs :

Cette division du monde influence le jugement du groupe. Dans un tel groupe, le monde est évalué en fonction de ce qui est défini comme pur et impur soit par le leader ou le groupe. Le monde est donc séparé en deux catégories rigides, il n’existe aucune place pour le compromis.

Cette vision du monde influence :

· Les choix ;

· Les décisions ;

· Les comportements ;

· La perception que les membres se font des autres.

Dans les groupes qui valorisent l’idéal de pureté, celle-ci est souvent obtenue grâce à l’emploi de certaines formes de privations. Ces privations provoquent la déstabilisation de l’individu et précipitent l’abandon de ses défenses. Les privations peuvent être :

· De sommeil ;

· De nourriture ;

· De repos par la participation intensive à des séances de sports visant la purification du corps ou par la participation à des séances de prières qui durent parfois des heures.

Dans ces groupes, la pureté est vue comme un état à atteindre. Dans ce sens, toutes les actions faites au nom de la pureté ou de la lutte contre les impuretés sont justifiées et même perçues comme morales.

La vigilance des membres contre les comportements impurs des autres peut être une source importante de conflits.

Cette idéologie tente également de créer un sentiment de culpabilité chez les participants qui sont incapables d’améliorer leur condition d’impur ou d’imparfait.

Dans ces circonstances, le leader est souvent l’unique arbitre et juge du comportement et de l’attitude des membres. En cas de déviance ou d’échec, le leader peut être autorisé à humilier, punir ou culpabiliser les membres.

La confession publique

Dans un groupe totalitaire, la confession de pensées ou de comportements impurs ou mauvais est souvent utilisée. Cette confession est souvent faite devant l’ensemble des autres membres du groupe. Elle a les effets suivants :

· Éliminer l’intimité et de rendre tout public ;

· Rendre le secret impossible ;

· Renforcer le sentiment de culpabilité.

La science sacrée

Dans un groupe totalitaire, la doctrine du groupe est présentée comme l’unique vérité. Celle-ci ne peut et ne doit pas être contestée par les membres.

La doctrine est donc l’unique cadre de référence sur lequel les membres doivent ajuster leur vie quotidienne. Chacun doit par conséquent modeler ses choix, ses décisions et ses comportements en fonction de cette vérité.

Dans ces circonstances, le leader ou le sage du groupe justifie ses demandes en affirmant que ces dernières sont basées sur la vérité. Le fait d’être membre d’un groupe qui possède la vérité peut :

· Réconforter ou sécuriser la personne. Elle n’a plus de doute puisqu’elle a des réponses à ses questions ;

· Favoriser le sentiment de paix parce que la vie est faite d’absolu ;

· Atténuer l’exercice de la pensée critique parce que la vérité règne et qu’un modèle détermine ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Acquisition d’un nouveau langage

Dans un groupe totalitaire, un langage substitut est enseigné. Ce langage commun peut avoir pour effet de :

· Créer un sentiment d’unité et de similitude entre les membres ;

· Permettre aux membres du groupe de différencier les membres des non-membres.

L’ajout de nouveaux mots ou de nouvelles significations au vocabulaire usuel peut isoler le membre des non-membres puisque seuls les adeptes du même groupe peuvent comprendre les propos de cette personne. Il pourra donc être difficile pour l’adepte de communiquer avec les non-membres.

À l’extrême, la communication entre les membres peut devenir rigide. Le groupe peut ainsi fournir aux adeptes différentes règles de communication qui régissent leurs interactions.

La suprématie de la doctrine sur l’individu

Dans un groupe totalitaire, la doctrine du groupe domine sur les valeurs et les croyances personnelles. L’individu doit adopter la philosophie de vie et la mission du groupe comme l’unique point de référence dans sa vie. Toute forme de valeurs ou d’opinion personnelle peut alors être présentée comme égocentrique et/ou malsaine.

Le pouvoir absolu sur l’existence

La personne ou le groupe qui partage une vision totalitaire de l’existence distingue la présence dans leur communauté de deux catégories de personnes : les gens qui partagent leur idéologie et les autres. Cette vision de l’homme influence les relations interpersonnelles des membres. Dans cette perspective, comme les non-membres sont décrits comme des êtres différents et que la différence est synonyme de mauvais, les membres de groupe totalitaire minimisent ou cessent les échanges qu’ils peuvent avoir avec les non-membres.

Les membres d’un groupe totalitaire ont la conviction qu’il n’existe qu’un seul vrai cheminement de vie : celui qu’ils proposent.

Cette conception de la réalité peut entraîner un sentiment de peur chez les personnes qui désirent quitter le groupe, puisque pour eux vivre hors du groupe, c’est mourir.

À l’extrême, les membres d’un groupe totalitaire peuvent en arriver à croire que seules les personnes qui partagent leur vérité ont le droit d’exister. Ils peuvent ainsi s’octroyer la permission de décider du droit de vie ou de mort sur les non-membres ou les non-croyants.

En conclusion, une personne qui participe à la vie d’un groupe au sein duquel un tel mode de contrôle est utilisé voit nécessairement son style de vie modifié. Le groupe provoque une crise d’identité chez l’individu. La personne questionne ainsi son ancien style de vie et l’évalue en fonction des valeurs transmises dans son groupe d’appartenance.

Progressivement, la personne réagit aux pressions de son environnement en adoptant la personnalité induite et désirée par le groupe. Ces anciennes attitudes, expressions et habitudes sont submergées par celles valorisées dans le groupe, ce qui a pour conséquence que la personne perd son individualité. Elle est maintenant une copie des autres membres du groupe.

Quelques critiques
Les techniques de manipulation mentale sont encore utilisées pour comprendre l’engagement de certaines personnes dans des groupes. Toutefois, cette notion est critiquée.

Le principal reproche formulé à l’égard de la théorie de la manipulation mentale soutient que celle-ci doit être considérée comme une hypothèse de travail. Puisque aucune recherche n’a permis de prouver l’existence et l’emploi de techniques de manipulation mentale par le leader ou les membres d’un groupe, il est dans ce contexte incorrect d’utiliser cette théorie pour comprendre le fonctionnement des groupes.

De plus, le lavage du cerveau est un processus de transformation de la personnalité qui existe exclusivement dans des situations où la personne est retenue contre son gré, souvent sous la contrainte d’un bourreau.

Pour plusieurs auteurs, la notion de manipulation mentale est inadéquate. L’utilisation du concept d’influence sociale est plus appropriée que celui de persuasion coercitive ou de manipulation mentale. Pour ces auteurs, une personne s’associe librement avec un groupe. Toutefois, dans son processus d’intégration dans le groupe, elle peut être influencée à prendre certaines décisions, à modifier certains aspects de son comportement ou autres, afin de s’adapter à la vie du groupe.

Les processus d’influence


Dans nos interactions quotidiennes, nous sommes tous influencés par certains comportements ou attitudes adoptés par autrui. Voici quelques processus d’influence étudiés en sciences sociales.

Le conformisme

Le conformisme repose sur le principe selon lequel chacun, dans une situation sociale, se conforme à un jugement collectif d’une manière réfléchie et avec des raisons objectives.

L’emploi de certaines techniques dans nos interactions sociales peut toutefois influencer les choix, les décisions et les comportements d’autrui. Lorsqu’une personne se retrouve en groupe, elle a tendance à accepter les réponses formulées par la majorité. La personne se conforme au choix de la majorité, parce qu’elle évalue que plusieurs personnes ont un meilleur jugement qu’elle seule. Même si la personne croit que sa réponse est correcte et que celle des autres membres est incorrecte, elle peut également donner une mauvaise réponse, afin de ne pas se distinguer des autres membres

Un groupe minoritaire ou une minorité de personnes peut également avoir une influence sur les comportements d’une majorit, particulièrement lorsque :

· Le groupe minoritaire présente une réalité ou une philosophie à laquelle la masse croit ;

· Le groupe ébranle les croyances et les convictions de la majorité ;

· La majorité admire le courage dont fait preuve la minorité pour débattre de ses convictions.

Le fait d’accepter l’opinion d’une minorité peut susciter un questionnement chez la personne qui adhère à la vision de la minorit. Elle peut remettre en question ses valeurs ainsi que celles de la minorité.

Lorsqu’une personne accepte la vision de la minorité et qu’elle adapte sa vie à celle-ci, elle peut rencontrer de la résistance face à ce changement. Les amis, la famille et l’entourage qui n’ont pas changé d’attitude peuvent souvent exercer des pressions et créer de la résistance à ce changement d’attitude.

La minorité qui présente des idées et des comportements logiques et flexibles a plus de chance de modifier les comportements et les opinions de la majorité sans créer de réaction sociale notable.

L’acquiescement ou comment obtenir le consentement d’une personne

Il est également possible de modifier les comportements d’un individu et d’obtenir son consentement à l’aide de mécanismes d’influence. Ces techniques permettent parfois à la personne qui les emploie d’obtenir l’acquiescement d’autrui à ses demandes. Certains auteurs ont défini la nature de ces techniques d’influence sociale, les principales étant :

· La règle de réciprocité ;

· L’engagement et l’harmonie entre la parole et le geste ;

· La preuve sociale ;

· Le recours à l’amour ;

· Le recours à l’autorité ;

· Le recours à la rareté.

Ces techniques peuvent être inoffensives dans le cas où les demandes ne sont pas extrêmes. Toutefois, dans certains cas, l’utilisation de ces techniques peut être dommageable pour certaines personnes. Voici donc une brève explication de chacune de ces techniques d’influence sociale.

La règle de réciprocité

La règle de réciprocité peut être définie comme la règle entre deux personnes qui précise implicitement qu’une personne qui donne à une autre peut s’attendre à recevoir de celle-ci un jour. Sur la base de cette règle, une personne peut délibérément donner à une autre avec l’intention de demander un service ultérieurement. L’obligation future, comme l’indique la règle sociale souvent implicite dans nos relations, rend possible le développement d’une relation d’échanges et de services.

La règle de réciprocité peut également être employée pour favoriser l’acquiescement d’une personne à une demande. Lorsque la personne a donné une fois à une autre personne, il est probable qu’elle donne encore. Cette technique s’appelle la technique du pied dans la porte. Elle consiste à demander peu au départ pour ensuite augmenter les demandes.

L’engagement et l’harmonie entre la parole et le geste

Les gens désirent être perçus comme des personnes cohérentes. Ainsi, une personne peut influencer une autre à agir d’une façon particulière, si elle parvient à rendre le comportement souhaité logique aux yeux de l’autre.

Les preuves sociales

Dans nos interactions sociales, nous essayons de cerner ce que les gens croient qu’il est adéquat de faire et de penser. Souvent une personne perçoit un comportement comme adéquat, normal ou correct si ce comportement est reproduit par plusieurs personnes.

Le principe de preuves sociales est d’amener une personne à acquiescer à une demande en l’informant que plusieurs autres personnes ont adopté avant elle le même comportement. Devant une situation inconnue, l’être humain est souvent enclin à observer les autres et à accepter leurs comportements comme le mode de réaction adéquat.

L’amour, l’amitié et le charme

Les gens préfèrent souvent accepter les propositions des gens qu’ils connaissent et qu’ils apprécient.

L’attirance physique peut également être employée par une personne pour en influencer une autre à accepter sa ou ses propositions, puisque nous acceptons plus facilement les propositions des gens que nous trouvons attirants ou charmants, que celles des personnes ordinaires ou inintéressants.

L’autorité


Dans notre société, lorsque les demandes sont acheminées par une figure d’autorité, les gens ont également tendance à acquiescer à la demande. Par exemple, depuis l’enfance nous avons été habitués à respecter l’autorité de nos aînés, de nos professeurs et à acquiescer à leurs propositions ainsi qu’à leurs exigences. Par conséquent, le respect de l’autorité peut être une technique employée par des leaders pour faire adopter certains comportements.

Rareté

Selon le principe de rareté, une personne accorde plus de valeur à une opportunité rare. Par exemple, les annonces publicitaires diront souvent que le produit est « disponible en nombre limité » afin que celui-ci prenne une valeur supplémentaire.

Un groupe peut donc dire qu’un nombre restreint d’individus aura accès au paradis et que seules les personnes qui auront reconnu la vérité du leader seront admises. La rareté des places rend donc plus attirant le fait d’être membre de ce groupe. Avoir une position dans un domaine où les places sont contingentées a pour effet de donner à la personne le sentiment d’être spéciale parce qu’elle a été choisie parmi un grand nombre de candidats.

Pour en savoir plus : www.infosecte.org

Source : Extrait du livre : «Le phénomène des sectes – L’étude du fonctionnement des groupes», par Info-Secte, 2003

Partagez sur votre réseau:

Devenez membre sur MaCommunaute.ca

Publiez du contenu et contribuez au développement de votre communauté!

Devenir membre